Paraboliques et choses sans nom : l’autocorpographie autiste dans la poésie de Pedro de Lucena et de Callum Brazzó

DOI : 10.56078/cfla_discapacidad.322

Traduit de :
Sobre parabólicas e coisas sem nome: a autocorpografia autista na poesia de Pedro de Lucena e Callum Brazzó

Résumé

Cet article vise à analyser deux œuvres poétiques aux traits autobiographiques : Parabólicas (2018), de Pedro de Lucena, et Movement: performance poetry written down (2019), de Callum Brazzó. Toutes deux ont été écrites par des auteurs autistes et présentent le corps comme une archive où convergent les mémoires. L’analyse est basée sur le concept d’autocorpographie créé par Adelaine LaGuardia (2014). Ce concept, issu de l’étude des autobiographies de personnes transgenres, révèle la nécessité de déconstruire le corps textualisé par la littérature médicale afin de le réécrire collectivement sous d’autres signes. La base théorique de ce travail se situe entre les études littéraires, les études sur le handicap et les études culturelles. Il montre que l’appropriation de l’écriture autocorpographique à travers un genre littéraire en marge du marché de l’édition (la poésie) offre une alternative à l’idée de l’autisme comme auto-isolement. À partir de la libre manifestation de demandes sensorielles du corps autiste dans la poésie, Lucena et Brazzó réécrivent le corps autiste comme un corps en mouvement constant, insaisissable dans sa plénitude par le langage.

Plan

Texte

Corps et textes

Dans un article sur l’écriture autobiographique de personnes transgenres, Adelaine LaGuardia (2014) utilise un concept important : l’autocorpographie. La théoricienne de la culture montre que la constitution de l’identité trans passe inévitablement par un processus de lecture dans lequel les textes journalistiques, biomédicaux, biographiques et autobiographiques composent un réseau complexe de références paradigmatiques pour le maintien ou la rupture des identités socialement établies. Elle écrit :

Il est possible de voir le rôle central que joue la lecture dans le processus de constitution de l’identité trans, que l’on retrouve dans pratiquement tous les récits autobiographiques de transsexuels que j’appelle « autocorpographies », puisque l’écriture est centrée sur la (dé)construction du corps lui-même1. (LaGuardia, 2014, p. 68).

Bien que le concept ait été spécifiquement inventé à partir de l’écriture autobiographique transsexuelle, il existe un certain nombre de parallèles avec l’écriture autobiographique des personnes autistes – et cela en fait un mobilisateur dans les discussions sur l’identité autiste. Dans Crip theory, Robert McRuer (2006) s’inspire des études queer pour réfléchir à la manière dont les paradigmes corporels affectent l’identité et les rôles sociaux assumés par les sujets. Si le système sexe-genre agit comme une force politique qui opprime les corps dans la normativité (Judith Butler, 2003), McRuer souligne que cette politique opère également sur la capacité de production des corps. Ainsi, tout comme les sujets queers (qui ne correspondent pas aux performances de genre socialement acceptées) sont l’objet d’interdictions, de violences et d’interventions biomédicales, les corps crip subissent cette pression car ils ne remplissent pas les performances productives attendues dans l’univers capitaliste.

Au Brésil, des chercheur.euses sur le handicap comme Anahi Guedes de Mello (2016), Marivete Gesser (2021) et Marcos Gavério (2015) ont traduit crip bodies par « corpos aleijados » [« corps estropiés »], et cette intervention sociale a été qualifiée par McRuer de « corponormativité ». Selon Mello (2016, s.p.), la corponormativité « en termes généraux, selon le contexte des phrases utilisées […], pourrait être traduite par corps sains, habiles, en forme, capables ou sans handicap ». Il convient d’ajouter au concept de corponormativité évoqué par Mello dans un dialogue avec McRuer l’observation de l’historienne Catherine Kudlick (2003) : chaque fois que le handicap a été mis en avant par les sociétés, l’objectif était d’assurer le statut d’une supposée « normalité » ou « naturalité » pour les groupes sociaux dominants.

En ce sens, la (dé)construction (LaGuardia, 2014) du corps autiste est une lecture critique qui fait ressortir sa construction sociale soutenue notamment par la littérature biomédicale, religieuse et juridique. Rappelons que pour Jacques Derrida (1995), l’opération de déconstruction est liée à l’abandon de la référence à un centre, un archétype, un signe ou une origine de significations, donc à un décentrement. Des signes tels qu’« erroné », « inapte », « incapable », « étranger », « incommunicable », « inaccessible », « irrationnel » et « insensible », entre autres, sont perçus comme le centre d’un système de sens qui constitue le corps autiste sous la politique d’une corponormativité réduisant les sujets à une logique utilitariste. Cette vision finit par perpétuer l’idée du corps autiste comme un corps sur lequel on peut intervenir et que l’on peut corriger par la médication, la thérapie, le comportement, la spiritualité, etc.

Déconstruire le corps autiste textualisé par la politique de la corponormativité dans la perspective des infirmités implique la reconstitution critique et circonspecte de l’identité autiste par les personnes autistes elles-mêmes. Les graphes de l’expérience, de la complexité et de la pluralité autiste sont fondamentaux en tant qu’acte autocorpographique capable de réécrire le corps autiste sous de nouveaux signes. Par conséquent, le partage de différents textes biographiques, qu’ils soient autobiographiques ou non, mais aussi de récits fictionnels, de poèmes, de témoignages, de chansons, de films, de bandes dessinées et autres par la communauté autiste, est essentiel pour établir un sentiment d’appartenance collective et remettre en question les récits capacitistes qui ont donné lieu au diagnostic au XXe siècle.

Cet article part de l’autocorpographie autiste comme pratique politique de l’infirmité pour analyser deux livres de poésie qui adoptent un ton autobiographique : Parabólicas (2018), de l’autiste brésilien Pedro de Lucena, et Movement: performance poetry written down (2019), de l’autiste britannique Callum Arthur Brazzó. Dans les deux cas, la centralité de la mémoire peut être observée dans la construction narrative formée par la séquence de poèmes. La pertinence de la mémoire en tant qu’élément structurant a également été un critère de choix des deux œuvres à analyser. Le corps de l’écrivain est considéré comme une sorte d’archive où convergent les réminiscences.

Les écrits des personnes autistes semblent s’accorder sur le fait que leur mémoire fonctionne différemment de celle de la population neurotypique. Dans son autobiographie Look me in the eye, John Elder Robison (2007) fait état d’une certaine méfiance du public lorsque, dans ses conférences, il raconte en détail des événements très précis de son enfance – des détails dont il est impossible de se souvenir, selon de nombreuses personnes. En revanche, lorsqu’il y a des autistes dans l’auditoire, ces souvenirs ne suscitent aucune incrédulité et déclenchent souvent des récits similaires de la part d’autres autistes. De leur côté, Temple Grandin et Richard Panek (2013) s’appuient sur des analyses physiologiques du cerveau des autistes pour affirmer que cette population a généralement une mémoire à court terme inférieure à la moyenne et une mémoire à long terme bien supérieure à la moyenne.

Dans les œuvres poétiques de Lucena et Brazzó, la mémoire des expériences est récupérée corporellement pour être écrite avec différentes articulations esthétiques-corporelles par les sujets lyriques respectifs. Les paratextes rendent déjà explicite l’utilisation du genre poétique comme ressource autobiographique – les deux livres présentent des photographies personnelles qui mettent en exergue la biographie et l’appartenance familiale. Les parties de Parabólicas sont organisées selon des critères thématiques, tandis que Mouvement est structuré selon des critères chronologiques allant linéairement du 11e au 27e anniversaire de l’auteur. Le langage poétique de Lucena utilise l’écholalie pour relier différentes voix et les faire dialoguer. Celui de Brazzó explore l’alexithymie pour comprendre les sentiments et les sensations.

Nous allons à présent examiner de plus près chacune de ces deux poétiques. Dans un premier temps, nous utiliserons l’écholalie comme opérateur de lecture pour analyser les souvenirs écrits dans les poèmes de Pedro de Lucena. Dans un deuxième temps, nous analyserons l’ouvrage de Callum Brazzó avec comme opérateur de lecture l’alexithymie pour examiner la vie écrite en vers. Enfin, nous tenterons de voir comment ces deux poétiques construisent des autocorpographies capables de réécrire les significations du corps autiste.

L’écholalie comme faire poétique d’un corps-parabolique

Pedro de Lucena est né dans la ville brésilienne de Recife. Il a publié Parabólicas de manière indépendante en 2018, à l’âge de 20 ans seulement. L’œuvre a été écrite avec le soutien de ressources de communication alternatives car l’auteur est, selon les termes biomédicaux, un autiste « non oralisant ». Si l’on considère le titre comme l’une des caractéristiques qui donne son unité à une œuvre poétique, l’image de la parabolique est une clé de lecture importante pour les poèmes qui composent le livre. Cette métaphore est d’ailleurs explorée dès le début : « Des ondes invisibles qui captent l’être essentiel / Révèlent et voilent toute l’essence de la vie2 » (p. 8).

En devenant une « antenne parabolique », le corps du sujet lyrique apparaît comme un corps en communication : capable de récupérer les expériences de son être et de les connecter aux autres ; autrement dit, d’investir dans l’autocorpographie qui cherche le droit de raconter sa propre histoire (Bhabha, 2014) et de resignifier un corps traditionnellement perçu comme vide ou isolé : « un étrange ermite vit dans le cloître3 ». Il convient de souligner que l’enfermement est socialement construit, à l’image de la malheureuse métaphore de la forteresse vide de Bruno Bettelheim (1967). En faisant ressortir les « Paranoïas d’un voyageur éphémère », « en pure / Syntonie avec son essence excentrique4 », Lucena va à l’encontre des attentes d’absence de langage imposée au sujet autiste (Baggs, 2006 ; Rückert, 2021). Il est vif, inquiet, dans une démarche constante d’investissement linguistique, symbolique et métaphorique.

Le choix de la métaphore parabolique souligne l’importance de l’élément sonore dans la poétique de Lucena. Les voix, les sons, les souvenirs de lui-même et des autres sont évoqués en permanence, ils s’additionnent, se répètent et se mélangent tout au long des poèmes. Il faut savoir que l’acte de répéter des mots ou des phrases est traditionnellement étiqueté comme une caractéristique du langage autiste sous le terme d’« écholalie ». Et dans la littérature biomédicale, l’écholalie est habituellement décrite comme une répétition mécanique, dépourvue de sens ou de contexte de communication. Pour Mergl et Azoni (2015, p. 2073), par exemple, « l’écholalie est un phénomène persistant caractérisé comme un trouble du langage, défini comme la répétition en écho de la parole d’autrui ». Ganos et alii. (2012, p. 1222) considèrent quant à eux l’écholalie comme un comportement d’imitation qui fait partie de l’apprentissage social et qui devrait être surmonté tout au long du développement : « sa persistance ou sa réapparition après un certain âge, cependant, peut être un signe de dysfonctionnement cérébral sous-jacent ».

L’écholalie comme trouble du langage ou dysfonctionnement cérébral est largement contestée par Laura Sterponi et Jennifer Shankey, spécialistes du langage autiste, dans l’article « Rethinking echolalia ». Contrairement au sens construit par les textes médicaux, elles affirment que l’écholalie doit être abordée comme un phénomène interactionnel, car elle « remplit des objectifs communicatifs » et est « un sous-produit de séquences interactionnelles discernables » (Sterponi & Shankey, 2014, p. 275).

Le poème Desmotivo [Découragement] est très significatif du pouvoir de communication qu’assume l’écholalie chez un sujet lyrique qui se met à l’écoute de différentes voix pour s’exprimer. Le poème reprend explicitement les rythmes et les images de Motivo [Motif], un célèbre poème de la poétesse Cecília Meireles, publié dans le livre Viagem en 1939 :

Découragement

Je me fuis tous les jours.
Si je suis heureux ou triste, distant ou proche,
affectueux ou insensible,
Je ne le sais pas moi-même.
Mais de tout cela et dans tout cela, j’existe,
Et une chose je dis :
Je suis autiste et c’est tout5. (Lucena, 2018, p. 13, souligné par nous)

Motif

Je chante parce que l’instant existe
et que ma vie est complète.
Je ne suis ni heureux ni triste :
je suis poète.

[…]

Si je m’effondre ou si je bâtis,
Si je reste ou si je me défais,
- je ne sais pas, je ne sais pas.
Je ne sais si je reste ou si je passe.

Je sais que je chante. Et la chanson est tout.
L’aile rythmée a un sang éternel.
Et un jour je sais que je serai muet :
- rien de plus6. (Meireles, 1939, p. 10, souligné par nous)

Les propositions conditionnelles « si… ou si… », la complexité de l’état d’esprit (avec des degrés incommensurables entre la joie et la tristesse), l’expression des incertitudes (« je ne sais pas »/« je ne le sais pas moi-même ») et l’image de complétude même face à cette incertitude (« est tout »/« c’est tout ») sont des marques importantes qui rapprochent Lucena de Meireles. En d’autres termes, elles rapprochent le jeune poète de la tradition poétique qui l’a formé et qui l’a aidé à composer sa lecture de lui-même et du monde. Mais il faut tenir compte d’une chose que la littérature comparée défend depuis longtemps : aucune relation intertextuelle n’est naïve ou dépourvue d’intentions. Comme l’affirme la théoricienne comparatiste Tânia Franco Carvalhal (2001, p. 53-54),

Toute répétition est chargée d’une certaine intentionnalité : elle veut donner suite ou modifier, subvertir, bref, elle veut agir par rapport au texte précédent. La vérité est que la répétition, lorsqu’elle a lieu, secoue la poussière du texte précédent, l’actualise, le renouvelle et (pourquoi ne pas le dire ?) le réinvente.

La réinvention de Cecília Meireles par Pedro de Lucena est déjà annoncée dans le titre du poème, quand « desmotivo » devient une sorte d’antithèse de « motivo ». En recontextualisant la voix poétique en question, en l’insérant dans l’univers de l’expression autiste, le poète contemporain subvertit sa référence canonique. Aucun motif spécifique, existentiel ou transcendantal n’est nécessaire pour que le sujet lyrique se manifeste. La manifestation (y compris l’écholalie) fait tout simplement partie de son existence ; il s’agit d’être qui on est. L’écholalie devient ainsi un élément significatif de la communication et, plus encore, d’élaboration esthétique et de constitution identitaire du poète autiste qui revisite sa biographie.

L’écholalie se manifeste notablement dans d’autres poèmes : Sentido (entièrement composé d’allitérations en « s ») ; Ritmo (personnification du son répété comme un « esprit qui habite en moi ») ; Aurora real (avec des intertextes implicites qui évoquent Canção do exílio, un poème de Gonçalves Dias appartenant également à la tradition lyrique brésilienne) ; différents poèmes évoquent des intertextes implicites de la Bible chrétienne et confèrent une certaine musicalité mythique et primordiale ; enfin, Tempo est une réflexion rythmique imprégnée de l’onomatopée « tic-tac », représentative de l’horloge en tant qu’organisatrice de la vie quotidienne, mais surtout du sujet lyrique (qui établit également un autre intertexte implicite avec Diário de um detento, de Racionais MC’s, l’une des compositions les plus importantes du rap brésilien).

Outre les cas susmentionnés, plusieurs poèmes contiennent les éléments de répétition sonore les plus courants en poésie, telles que les rimes, les réitérations, les schémas strophiques et les parallélismes syntaxiques, qui signalent également l’écholalie en tant qu’expression poétique de l’auteur. En dépathologisant l’écholalie, en l’élaborant comme une ressource esthétique, mais aussi comme une observation, une organisation et une signification de la vie elle-même, les poèmes de Parabólicas finissent par « autocorpographer » le corps autiste, ils revendiquent des sens au-delà de la littérature médicale et du sens commun.

C’est précisément par les répétitions, la présence constante de sons ou de voix, de poèmes ou de chansons qu’est élaborée la mémoire personnelle. Des détails d’événements quotidiens reviennent à la mémoire, comme la rencontre fortuite avec un mur tagué, l’éveil à l’univers religieux, l’amour maternel ou encore les chats de compagnie avec lesquels vit le sujet lyrique dans Quatro gatos pingados :

Petit à petit et au goutte-à-goutte
Ils sont arrivés
[…]
Le premier et unique
Est un chat astronaute
[…]
Un autre est arrivé
Blanche Neige est là pour rester
[…]
Un chat noir est apparu
Tout en élégance et en mystère
La goutte noire m’a enveloppé
[…]
Quand tout semblait fini
Un petit félin
Est venu prendre sa place
De chef de ce groupe insignifiant7 (Lucena, 2018, pp. 31-32)

L’obsession des listes est un autre élément commun à certaines personnes autistes. Nommée « discrétion » par Julia Rodas (2018) en fonction de sa manifestation esthétique, elle est très souvent suivie d’explications axées sur de petits détails, une caractéristique appelée « apostrophe ». L’énumération d’objets ou d’êtres selon des schémas minutieux (discrimination) et leur description avec des détails très spécifiques qui peuvent ne pas être pertinents pour la pensée normative (apostrophe) est une manière d’organiser et de réaffirmer la mémoire. Cette forme présente à nouveau des éléments rythmiques, puisqu’elle ponctue régulièrement les différents éléments énumérés. Dans ce cas, le récit de l’arrivée des chats dans la vie du biographe se voit attribuer l’adjectif pingados [goutte-à-goutte]. Si dans le langage informel « goutte-à-goutte » désigne une quantité moindre et espacée, il fait également référence au goutte-à-goutte et à l’écoulement rythmique de l’eau. Ainsi, méthodiquement, chacun des animaux arrive à son heure et prend place dans la mémoire affective du sujet lyrique.

Si la vie d’un garçon autiste est corpographée de manière écholalique dans Parabólicas, cette autocorpographie l’emporte sur les textes qui réduisent l’écholalie à l’absence de sens ou d’intentionnalité dans le langage. Au contraire, le travail de Lucena nous montre que l’écholalie porte en elle toute la puissance dialogique du langage et permet aux personnes autistes de communiquer avec soi et avec d’autres êtres. Le corps-parabolique n’apparaît donc pas isolé ou aliéné ; il communique avec des chats, des personnes, des poèmes, de la musique, des graffitis, la tradition chrétienne et divers autres éléments, élargissant les possibilités de représentation du corps autiste.

L’alexithymie comme faire poétique de l’ineffable

Callum Arthur Brazzó, originaire de Long Sutton (Angleterre), a été diagnostiqué autiste à l’âge de 21 ans. À 27 ans, il a publié Movement : performance poetry written down, qui met en lumière ses expériences d’enfance et de jeunesse vécues avec l’autisme, d’abord sans puis avec la connaissance de sa condition. Son processus créatif dialogue directement avec l’oralité, plus spécifiquement le rap, et donne lieu à des poèmes basés sur des paroles, des rimes et des improvisations. Comme le suggère le titre du livre, l’idée de mouvement est centrale pour l’auteur. Si nous comprenons le mouvement comme un déplacement, il est important de souligner qu’il part inévitablement d’une motivation. Chez les personnes autistes, la motivation qui déclenche le mouvement est généralement neurologique (réaction à des stimuli sensoriels tels que la lumière et le bruit) et psychologique (réaction à des préjugés imposés socialement). Dans l’ouvrage de Brazzó, c’est le stimulus psychologique qui motive le mouvement : il est à la recherche de la compréhension et de l’expression de ses propres sentiments. Carneiro et Yoshida (2009, p. 103) observent que « l’alexithymie est un terme utilisé dans le diagnostic clinique des personnes présentant une difficulté ou une incapacité marquée à exprimer leurs émotions ». Il n’est pas rare que l’alexithymie soit également présente dans le diagnostic des personnes autistes à cause de la difficulté à comprendre les émotions ou à les organiser linguistiquement. La poésie joue pour Brazzó ce rôle d’organisation : c’est une poétique qui prend l’alexithymie comme exutoire du mouvement dans la compréhension et l’expression des sentiments.

Dans le poème « Live on », l’angoisse est présente dans la recherche de l’expression : « Comment veux-tu que je m’exprime / Que je sois explicite ? 8 » (Brazzó, 2019, p. 8). Le sujet lyrique s’adresse à un interlocuteur sur un ton de protestation. Si cet interlocuteur peut être compris comme une représentation de la société et de ses exigences (de « sincérité », de « transparence », de « spontanéité »), le sujet lyrique se retrouve avec la représentation d’une impossibilité : comment s’exprimer explicitement ? La coïncidence sonore rapproche les mots « exprimer » et « explicite », et pourtant ils deviennent antithétiques. En d’autres termes, le langage verbal est une impossibilité : il n’est pas possible de s’exprimer de manière transparente. Le lecteur sait qu’il a affaire à un ensemble de poèmes autobiographiques d’un sujet lyrique qui ne sera pas en mesure d’écrire pleinement ses expériences. D’où l’utilisation de nombreuses métaphores pour représenter le corps du sujet lyrique : « buste cassé », « déchiqueté », « océan déchaîné », « fou aux dreadlocks », « acéphale », « monsieur insensé », « orange pressée ». Il s’agit d’une autobiographie fracturée ou, si l’on considère le pouvoir politique de l’incomplétude d’un corps linguistique, d’une autobiographie estropiée.

Qu’il y ait un point de départ (l’alexithymie), un mouvement (le rap ou la poésie) et pas de point d’arrivée (qui serait l’expression transparente de soi-même) ne signifie pas l’absence d’un voyage menant à une plus grande compréhension de la société et de soi. Cette compréhension commence par l’univers le plus intime : la famille. Dans le poème « Empty », écrit à l’âge de 11 ans, la figure de la mère est choisie comme responsable du déséquilibre du sujet lyrique : « Je me sens si vide et si plein de haine9 » (Brazzó, 2019, p. 14). Les mots adressés à la mère (à la troisième personne) sont forts et en font quelqu’un de dangereux, autodestructeur, déséquilibré ou, métaphoriquement, « un volcan toujours sur le point d’entrer en éruption10 ». Une certaine forme de toxicomanie est sous-entendue tout au long du roman, qui conduit sa mère et sa famille à la ruine. Il n’y a pas de maison solide et sûre dans la mémoire de son enfance. À la fin du poème, le sujet lyrique définit sa famille comme « un groupe de marginaux sans notre leader11 » (ibid.). Cependant, la maturité l’amène à comprendre le parcours de sa mère et à établir un parallèle avec sa propre recherche de compréhension et d’appartenance. Vers la fin du livre, dans le poème « Rebirth » rédigé à l’âge de 24 ans, le poète réécrit les premiers vers d’il y a 13 ans. Le sujet lyrique alterne désormais la première et la troisième personne, il se réconcilie en comparant le souvenir de deux phases de sa vie : « Hé, maman, je sens que la situation a changé / C’est-là une nouvelle version de notre relation12 » (Brazzó, 2019, p. 192). Le lent processus de dissipation de la haine et de réintégration dans la famille est souligné et, en guise de refrain, le sujet lyrique souligne que maintenant ce n’est pas seulement lui qui continue à vivre : « Et nous continuons à vivre, à vivre13 » (ibid.). La dernière preuve de la réintégration est la présence de photographies tendres de Callum et de sa mère dans les paratextes de l’œuvre.

Ce qui a aidé le sujet lyrique dans ce mouvement jamais achevé, mais qui permet la connaissance de soi et la réintégration, ce n’est pas un médicament ou une procédure thérapeutique au sens clinique du terme. C’est en fait son engagement artistique dans le rap et la poésie. L’oralité et l’écriture ont été le support fondamental pour la survie pendant les crises et la possibilité d’un récit de vie qui va de l’incompréhension à l’acceptation (des autres et de soi). D’innombrables éléments délimitent l’incorporation d’une esthétique rap dans la poétique de Brazzó. L’ouverture du livre avec « Live on » délimite un intertexte implicite avec Sing for the moment – une réinterprétation par le rappeur étasunien Eminem de la chanson Drem on d’Aerosmith. Les paroles parlent d’un « enfant problématique » qui continue à vivre au milieu d’un foyer perturbé par l’absence de son père.

Tout au long du livre, on trouve plusieurs références nominales à Eminem, Tupac et Dr Dree (la citation directe des noms de paroliers avec lesquels le sujet de la chanson est allié ou opposé est un élément important de la constitution d’un style de rap personnel). L’autre élément qui renforce l’incorporation du style musical est la présence de passages d’autoprésentation, y compris l’utilisation d’acronymes, de réductions et d’épithètes : « Je m’appelle Callum, okay ? / Initialess C.A.B. / Le dingue aux dreadlocks / À la folle personnalité / Bienvenue dans ma réalité14 » (Brazzó, 2019, p. 30). Il convient également de noter la présence fréquente de jurons et d’un argot très informel et quotidien tout au long du livre. En outre, de nombreux poèmes sont marqués par l’indication structurelle d’un refrain et d’une rengaine, ce qui suggère l’origine du poème dans la performance orale et sa transcription ultérieure.

Cependant, l’élément le plus fécond de ce dialogue interartistique entre poésie et rap réside dans « l’écriture ». Pour Jacques Derrida (1995), l’écriture renvoie à l’articulation de la parole et de l’écriture en mouvement (Santiago, 1976, p. 30). Le texte de l’écriture est un texte toujours ouvert, incomplet, provisoirement réalisé et en cours de réalisation. Dans « I’m from EA! » [East Anglia], le sujet lyrique pratique l’improvisation (catégorie appelée « freestyle » dans le rap) au présent continu : « Je suis le vrai deal / Et je survis chaque jour / Parce que je fais des rimes au micro / Vous n’avez jamais rien vu de pareil15 » (Brazzó, 2019, p. 23). La construction verbale « je fais des rimes », le micro et la survie renvoient à un avenir ouvert. Qu’est-ce qui sera dit ? Qu’est-ce qui sera vécu ? L’attente de la rime suggère également le futur : quelque chose viendra, il y aura une continuation du flux linguistique (flow, dans le vocabulaire des rappeurs).

Si l’esthétique du rappeur constitue structurellement la base de la poétique de Brazzó, d’un point de vue symbolique le rap (matérialisé dans les poèmes) est aussi survie et mouvement vers un futur possible. Dans « Save Me », l’écriture propose un remède dans un moment de crise : « Le monde est froid. / Mes histoires, dissimulées. / Cachées dans mon âme / Je n’arrive pas à me contrôler / J’ai besoin de me soigner / Alors je choisis de chanter16 » (Brazzó, 2019, p. 28). Le traitement par l’art est si essentiel que le parolier va jusqu’à décrire figurativement le rap comme un lieu : « Le rap, c’est aussi l’endroit où je garde ma colère17 » (Brazó, 2019, p. 81). C’est un lieu de libération, de défoulement, d’expression de ces mêmes sentiments qui sont difficiles à exprimer pour une personne autiste alexithymique. Un lieu sûr, un abri au milieu de la perturbation du monde – très significatif pour quelqu’un qui s’est représenté comme déplacé et sans foyer sûr dans ses souvenirs d’enfance.

Le corps du sujet lyrique de Movement est donc d’abord un corps sans abri, traversé par le chaos familial et social, qui ressent et ne peut s’exprimer ; il trouve son foyer dans le rap et la poésie, où il peut libérer la mémoire de ses expériences pour s’apaiser. Les derniers poèmes, après le diagnostic, sont marqués par la connaissance et l’acceptation de soi, comme dans la fin du poème « Nameless » (il n’y a plus de problèmes avec l’ineffable) : « Laisse-moi le dire / À voix haute / Je suis autiste / Mais il y a plus / Beaucoup plus / En moi18 ». (Brazzó, 2019, p. 170). Autocorpographer un corps autiste, c’est donc autocorpographer un corps insaisissable et innommable. Si la littérature biomédicale classique cherchait précisément à appréhender le corps autiste et à le définir par un terme ou un ensemble de symptômes, Brazzó déconstruit cela pour nous montrer que c’est impossible. Le corps autiste est un corps en mouvement, comme la métaphore de la lumière des comètes : quand on le voit, il n’est plus.

L’autocorpographie n’est pas sur soi

Il est impossible d’écrire un texte sur les autocorpographies autistes sans réfléchir au préfixe morphologique auto- et à sa relation avec la construction d’une notion d’autisme. Il est difficile, voire peu pertinent, de retracer une généalogie exacte dans l’histoire de l’autisme, mais peut-être qu’Eugène Bleuler a utilisé le terme comme une adaptation du concept d’« autoérotisme » issu de la psychanalyse (Lima, Fontenele & Gaspard, 2018). Même s’il s’agit d’une classification de comportements et non pas de sujets, le terme était chargé de l’idée d’un individu incapable d’altérité. Plus tard, avec l’utilisation du terme « autisme » par Leo Kanner et Hans Asperger (Tamanaha, Perissinoto & Chiari, 2008), désormais doté d’une signification diagnostique, la textualisation de ces corps « repliés sur eux-mêmes », « fermés », « enfermés », « incommunicables » ou « incapables d’intégration communautaire » s’est concrétisée. Les représentations de l’autisme dans les textes scientifiques et médiatiques de la seconde moitié du XXe siècle ont contribué à la diffusion de cette vision.

Actuellement, le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM, 5e version) classe l’autisme comme un « trouble du développement » caractérisé par des difficultés dans trois domaines : la communication, les interactions sociales et le comportement. Comme le souligne la psychologue Amanda Caitité (2017), la définition psychiatrique de l’autisme le conditionne déjà à une étiquette péjorative parce qu’elle s’éloigne de ce que l’on est censé être.

Avec l’émergence et la popularisation de la théorie de la neurodiversité, et surtout grâce aux efforts de personnes comme Jim Sinclair, Judy Singer, Nick Walker, Steve Silberman et Temple Grandin, on assiste depuis les années 1990 à la publication croissante d’autobiographies écrites par des personnes autistes et à leur succès auprès des lecteurs. Pour Ian Hacking (2009), ce phénomène est extrêmement important, non pas pour le partage d’expériences et de descriptions de l’autisme « de l’intérieur » (jargon qui a été beaucoup répété au cours des dernières décennies), mais en raison de l’établissement d’un « langage commun » au sein de la communauté autiste ; il est devenu possible de nommer ce qui, jusqu’alors, n’avait pas de formes linguistiques correspondantes. Et au-delà de la création de ce « langage commun », il est essentiel de réfléchir à la manière dont ces textes ont été absorbés par le marché de l’édition.

Le sociologue Stuart Hall (2003) nous avait déjà mis en garde sur les orientations du multiculturalisme : le système capitaliste est impitoyable et vorace, capable d’engloutir les différences et de les transformer facilement en marchandises. Un nombre considérable d’autobiographies publiées par les grandes maisons d’édition ont un fort attrait commercial : elles présentent l’autisme comme une terrible tragédie individuelle qui doit être surmontée par l’effort et la créativité. Ainsi, l’auteur (et son succès d’édition) serait la preuve irréfutable que tout le monde peut gagner dans le royaume fantastique de la méritocratie.

Il ne s’agit pas de condamner les auteurs de ces textes, car ils sont également victimes de ce processus, puisqu’ils ne peuvent être publiés (et donc rémunérés dans le monde de l’édition) que s’ils répondent à certaines attentes concernant l’autisme. Bref, la cruauté de ce mouvement est effrayante, car il utilise certaines voix autistes pour légitimer la même vision réductrice des personnes autistes que celle initiée par le champ médical au début du XXe siècle : un sujet enfermé dans son corps. L’autobiographie autiste, best-seller, serait donc un genre paradoxal : un incapable qui communique. D’où le fétichisme du marché et l’intérêt d’un large public.

Face à cette incorporation des autobiographies traditionnelles par le capitalisme contemporain, il devient essentiel d’étudier d’autres récits que les personnes autistes produisent sur elles-mêmes, en particulier ceux qui sont en marge du marché comme les performances, les installations, les manifestes, les dessins, les peintures, les sculptures, les vidéos, les livres publiés par des éditeurs indépendants, les fanzines, etc. La poésie devient ainsi un espace très pertinent, car elle n’est ni rentable, ni utilitaire, ni même appréciée par un large lectorat. Elle est une insurrection contre l’objectivation du langage. En fin de compte, la poésie est la recherche du plaisir le plus corporel et le plus urgent : le plaisir sensoriel. Comme l’a dit la poétesse brésilienne Conceição Evaristo (2023), « la poésie commence toujours par le corps ». Et j’ajouterais que c’est aussi dans le corps que la poésie s’achève, car son plaisir provient de la combinaison inhabituelle de sons, d’images ou de sens ; elle est donc vécue dans le diaphragme, les oreilles, les yeux, la peau…

Selon l’artiste et philosophe Ana Cândida Carvalho (2023, p. 76), « la machinerie de domination sur les manifestations artistiques impose également ses diktats à la production créative autiste ». Autrement dit, la construction de subjectivités au-delà des limites imposées n’apporte pas seulement de nouvelles possibilités d’expression, elle constitue aussi un exercice éthique. Créer, c’est se recréer soi-même et se positionner de manière critique par rapport au monde.

En choisissant la poésie pour évoquer leur propre vie, Pedro de Lucena et Callum Brazzó inscrivent subversivement leur corps dans le réseau de textes qui définit l’autisme. Leurs corps ne sont pas seulement des corps qui se souviennent, qui parlent, qui partagent un « langage commun ». Ce sont aussi des corps de désir, des corps qui ressentent et qui ont le même droit au plaisir esthétique que n’importe quel autre. Comprendre leurs poèmes autobiographiques comme des autocorpographies, selon la conceptualisation d’Adelaine LaGuardia (2014), est une position de recherche très prometteuse, puisque l’autobiographie a été incorporée par le système capitaliste comme un fétiche du marché de l’édition et n’est pas en mesure de rendre compte de la constitution et de la déconstruction que les personnes trans et autistes doivent faire de leur corps pour revendiquer leurs identités, même si elles sont positionnelles et stratégiques (Hall, 2014).

Si l’on raisonne en termes narratologiques, les œuvres de Lucena et Brazzó ont une trame qui est à l’opposé des autobiographies commerciales. Dans ces dernières, l’autisme est l’élément de complication, le nœud narratif dont l’issue est surmontée par le protagoniste. Dans les livres analysés ici, le nœud narratif réside dans les barrières sociales et le manque d’appartenance imposés au protagoniste. Reconnaître et accepter l’autisme est précisément l’issue qui conduit à une meilleure compréhension de soi et à une meilleure qualité de vie pour la personne autiste. Il n’est pas étonnant que l’autisme suffise à résoudre les problèmes d’identité de Parabólicas (« Je suis autiste et c’est tout »). Ce n’est pas non plus un hasard si la poésie présentée comme un « remède » dans Movement permet de comprendre l’autisme et de s’aligner sur la théorie de la neurodiversité, qui conçoit l’autisme non pas comme une pathologie, mais comme un élément de la pluralité humaine.

En écrivant sur leur propre corps, Lucena et Brazzó ne parlent pas seulement d’eux-mêmes. Contrairement à l’autobiographie, l’autocorpographie ne répond pas à la pulsion narcissique de notre époque. Lorsqu’un corps trans ou autiste s’inscrit dans le langage, il le fait déjà dans le cadre d’une dispute dialogique. Comme le soulignent Milton et Bracher (2013), les personnes autistes parlent mais elles ne sont presque jamais entendues. Les textes médicaux continueront à prendre le pas sur les autocorpographies, car ils énoncent leur discours à partir d’un lieu institutionnel privilégié. Par conséquent, l’autocorpographie pour ces corps signifiera toujours agir en marge, se rebeller dans une lutte inégale contre l’ordre du discours biomédical (Foucault, 2010). Lorsqu’ils le font, ils ne le font pas pour se promouvoir, sous peine d’être taxés de moins « méthodologiques », « moins scientifiques » et « pas fondés sur des preuves ». Et si ces corps acceptent d’occuper cette place par révolte contre les signes textuels qui les oppriment, c’est qu’ils ne se battent pas que pour eux-mêmes. Resignifier l’autisme dans l’autocorpographie, c’est le resignifier au profit de tous les corps autistes, et non du corps individuel de l’auteur.

Dans sa thèse de doctorat, Amanda Caitité (2017, p. 43) donne une des définitions les plus pertinentes de l’autisme, qui souligne les liens entre les différentes personnes du spectre : «  […] sur un même spectre, les autistes non verbaux partagent avec les verbaux le développement d’un usage unique du langage, l’intelligence et la sociabilité, et posent le défi de recadrer ce que sont ces dimensions de la vie ». Les usages du langage ne sont pas les mêmes chez Pedro de Lucena et Callum Brazzó, chez les autistes oralisants ou non, chez les autistes traversés par des expériences historiques et culturelles différentes. Ce qu’ils ont en commun, cependant, c’est le partage d’expériences d’exclusion par le langage. Leurs façons de communiquer, de penser ou de socialiser, qui sont différentes les unes des autres, ont à un moment donné été classées comme un manque de langage, une inefficacité du langage, une imprécision du langage ou une faible fonctionnalité du langage. C’est pourquoi les autocorpographies en question traversent également les corps d’autres personnes autistes. À la fin de son livre, Callum Brazzó le dédie aux lutteurs, aux mis de côté, aux insécurisés, aux dévalorisés, aux survivants et à ceux qui recherchent. Finalement, nous pourrions dire : aux personnes autistes, avec leurs corps auxquels des textes ont été imposés, mais qui continuent à vivre, qui s’agitent et qui s’obstinent à chercher. Ce que nous trouvons n’a pas d’importance, ce qui compte c’est que nous continuions à avancer ensemble, en mouvement.

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Notes

1 Citations traduites par nous. Retour au texte

2 Ondas invisíveis que captam o essencial ser. / Revelam e velam toda a essência do viver. Retour au texte

3 um estranho ermitão vive na clausura. Retour au texte

4 Paranoias de um viajante fugaz, em pura / Sintonia com sua essência excêntrica. Retour au texte

5 Desmotivo. Fujo de mim mesmo todos os dias. / Se sou alegre ou triste, distante ou próximo, afetuoso ou insensível, / Nem mesmo eu sei. / Mas, de tudo isso e dentro disso tudo existo, / E uma coisa eu digo: / Sou autista e isso é tudo. Retour au texte

6 Motivo. Eu canto porque o instante existe e a minha vida está completa. / Não sou alegre nem sou triste: sou poeta. / [...] / Se desmorono ou se edifico, se permaneço ou me desfaço, — não sei, não sei. / Não sei se ficou passo. / Sei que canto. E a canção é tudo. / Tem sangue eterno a asa ritmada. / E um dia sei que estarei mudo: — mais nada. Retour au texte

7 Aos poucos e aos pingos / Eles foram chegando /[...] / O primeiro e peralta / É um gato astronauta / [...] Retour au texte

/ Chegou mais um para habitar / Branco de neve veio para ficar / [...] / Um gato negro apareceu / Todo elegante e misterioso / O pingo preto me envolveu / [...] / Quando tudo parecia acabado / Um felino pequenino / Veio assumir o seu lugar / De chefe dos gatos pingados.

8 How do you want me to express myself / Be explicit? Retour au texte

9 I feel so empty and so full of hate. Retour au texte

10 um vulcão sempre prestes à erupção. Retour au texte

11 We’re like a group full of misfits without our leader Retour au texte

12 Hey Mother I feel the situation shift / So here it is a new version of our relationship. Retour au texte

13 And we gotta live on live on. Retour au texte

14 OK my name’s Callum / Initials C.A.B. / I’m the dreadlocked freak / With a crazy personality / Welcome to my reality. Retour au texte

15 I’m the real deal / And I live for the day / Because I’m rhyming on the mic / You ain’t seen nothing like this before. Retour au texte

16 This world is cold / My untold stories that lie beneath my soul / I can’t control my energy / I need a remedy / So I choose melody. Retour au texte

17 Rap is also a place where I can assert rage. Retour au texte

18 So let me say this / Audibly / I have autism / But there is / So / Much / More to me. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Gustavo Henrique Rückert, « Paraboliques et choses sans nom : l’autocorpographie autiste dans la poésie de Pedro de Lucena et de Callum Brazzó », Cahiers franco-latino-américains d'études sur le handicap [En ligne], 2 | 2024, mis en ligne le , consulté le 30 décembre 2024. URL : https://cfla-discapacidad.pergola-publications.fr/index.php?id=322
DOI : https://dx.doi.org/10.56078/cfla_discapacidad.322

Auteur

Gustavo Henrique Rückert

Centre de lettres et de communication, Université fédérale de Pelotas, Brésil ; gh.ruckert@gmail.com
Professeur de littératures de langue portugaise à l’Université fédérale de Pelotas. Docteur en études littéraires de l’Université fédérale du Rio Grande do Sul. Chercheur du Conseil national pour le développement scientifique et technologique. Coordinateur du projet de recherche « As palavras a girar : poesia autista em movimento » (UFPEL/CNPq). Membre du projet de recherche « Traduzir-se: autismo em primeiro pessoa na prática acadêmica » (UFVJM). Co-organisateur de Linguagem e autismo: conversas transdisciplinares (Bordô-Grená, 2021). Poète, auteur de Poemas de plástico (Literacidade, 2015) et Serão as rosas vermelhas no escuro ? (Bestiário, 2021). Organisateur de l’anthologie A revolta dos pássaros (Clube dos autores, 2016). Autiste, membre de l’Association brésilienne d’action pour les droits des personnes autistes.

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